Nu couché bleu, 1955, huile sur toile 114 x 162 cm. Collection particulière © imageArt, Claude Germain
À partir de 1951 en effet, et jusqu’à sa disparition le 16 mars 1955, Staël renoue dans sa production avec les grands thèmes de la peinture, et en particulier avec celui du nu et de la figure féminine – que l’exposition d’Antibes illustrera en rassemblant, pour la première fois, un ensemble de peintures et de dessins souvent inédits qui lui sont consacrés.
À partir de 1951 en effet, et jusqu’à sa disparition le 16 mars 1955, Staël renoue dans sa production avec les grands thèmes de la peinture, et en particulier avec celui du nu et de la figure féminine – que l’exposition d’Antibes illustrera en rassemblant, pour la première fois, un ensemble de peintures et de dessins souvent inédits qui lui sont consacrés.
Extrait du catalogue de l'exposition, textes de Jean-Louis Andral
« Nicolas de Staël von Holstein est né à Saint-Pétersbourg le 23 décembre 1913 (calendrier julien), soit le 5 janvier 1914 du calendrier grégorien.
Après avoir organisé, en 2005, l’exposition « Un automne, un hiver », consacrée aux six derniers mois de création de l’artiste à Antibes, et en 2011, l’exposition « La Vie dure », centrée sur les années passées à Nice pendant la Seconde Guerre mondiale, avec sa compagne peintre Jeannine Guillou, dans l’entourage de leurs amis réfugiés à Grasse les couples Arp et Magnelli, Sonia Delaunay –, j’ai souhaité, pour le centenaire de la naissance de l’artiste, compléter ce qui devient un triptyque Staël par la présentation de « La Figure à nu ». Ce projet est né de ma confrontation quotidienne avec son ultime nu peint, le Nu couché bleu réalisé à Antibes, tableau que son propriétaire a généreusement déposé au musée Picasso. Ce chef-d’œuvre est caractéristique de la dernière manière du peintre, avec la nouvelle matière fine qu’il adopta au début des années 1950, lorsqu’il remplaça le couteau, qui le faisait maçonner ses murs de couleurs, par le pinceau, en brossant les formes fluides de paysages et de nus, pour embrasser la peinture comme on embrasse une femme. […] »
« […] Cette question du nu interpelle Staël depuis que la figure, ou le figural, réinvestit sa création en ce début des années 1950. Ainsi écrit-il à son ami poète en avril 1952 : « Mais voilà, place Saint-Michel, une fille de Marseille qui m’enlève tout le calme pour méditer à mes projets. Une vulgarité, René, telle que cela devient sublime et ronde comme une pierre tendre. Dieu sait si j’arrive à faire un nu avec ce phénomène, mais jamais je n’ai vu un volume pareil à vingt ans. » Le peintre ne tardera pas à donner la réponse à sa question. […]
[…] En 1951 a lieu la rencontre avec René Char, et Staël réalise un certain nombre de dessins au stylo-feutre, ou au pinceau et à l’encre de Chine, telles ces Figures dans l’atelier, où, de la masse des traits au feutre verticaux et horizontaux, émergent, dans la réserve du papier, les contours de personnages, dans ce qui peut sembler un atelier. Puis des « Paysages » apparaîtront, comme en pointillé dans les dessins, et aussi dans les peintures, mais sans différences réelles avec les « Compositions » qui les précédaient. L’épisode connu du match nocturne France-Suède, auquel l’artiste assiste au Parc des Princes en 1952, donnera naissance à des variations nombreuses sur le thème des Footballeurs que nous rappelons ici avec deux études. Des bouteilles à la gouache suivront, des papiers collés aussi, avant la belle série de nus au stylo-feutre et à l’encre de Chine de 1953, dont nous avons rassemblé plusieurs exemples remarquables. Dans ces dessins, aux-quels répondent les études de nus peintes sur des petits châssis, Staël semble faire, sans modèle – ou sans partition –, des gammes, pour apprivoiser cette musique du nu, pour arriver à évoquer cette générosité proprement féminine, pour par-venir à « une fille qui déborde convenablement le dessin ». Car le trait de l’artiste limite le contour, autant qu’il libère la forme par ce dernier créée dans l’espace de la feuille ou de la toile. « Je crois à l’âme des contours […], si du moins je crois à l’âme quelque part, c’est dans les contours, pas les lignes non, c’est très différent. » Ainsi la figure est-elle ici, bien plus que dans la forme née de ses lignes, dans le rythme que scande son être où résonne le secret du réel. […]
[…] Jean-Marie Pontévia, commentant Jean-François Lyotard, écrit : « Il est vrai que “l’art veut la figure”, [que] “la beauté est figurale, non liée, rythmique”. Mais, à travers l’art, c’est l’élément même de la figure, le figural, qui est visé. Le figural “comme opacité, comme vérité, comme événement”. Comme opacité, c’est-à-dire comme un à-voir qui désarme tout discours – comme vérité, c’est-à-dire comme refus de l’alternative de la vérité et de l’illusion – comme événement, c’est-à-dire sens produit “dans l’espace vacant ouvert par le désir”. » Comment mieux décrire les grands nus peints de Staël, avec leur opacité des épaisseurs de couleurs superposées au couteau ou à la truelle, articulées souvent sur des transparences, et qui jamais ne veulent nous donner l’illusion d’être des corps de femme, alors même qu’ils sont nés dans l’espace vacant ouvert par le désir de l’une d’elles ? […]
Après avoir organisé, en 2005, l’exposition « Un automne, un hiver », consacrée aux six derniers mois de création de l’artiste à Antibes, et en 2011, l’exposition « La Vie dure », centrée sur les années passées à Nice pendant la Seconde Guerre mondiale, avec sa compagne peintre Jeannine Guillou, dans l’entourage de leurs amis réfugiés à Grasse les couples Arp et Magnelli, Sonia Delaunay –, j’ai souhaité, pour le centenaire de la naissance de l’artiste, compléter ce qui devient un triptyque Staël par la présentation de « La Figure à nu ». Ce projet est né de ma confrontation quotidienne avec son ultime nu peint, le Nu couché bleu réalisé à Antibes, tableau que son propriétaire a généreusement déposé au musée Picasso. Ce chef-d’œuvre est caractéristique de la dernière manière du peintre, avec la nouvelle matière fine qu’il adopta au début des années 1950, lorsqu’il remplaça le couteau, qui le faisait maçonner ses murs de couleurs, par le pinceau, en brossant les formes fluides de paysages et de nus, pour embrasser la peinture comme on embrasse une femme. […] »
« […] Cette question du nu interpelle Staël depuis que la figure, ou le figural, réinvestit sa création en ce début des années 1950. Ainsi écrit-il à son ami poète en avril 1952 : « Mais voilà, place Saint-Michel, une fille de Marseille qui m’enlève tout le calme pour méditer à mes projets. Une vulgarité, René, telle que cela devient sublime et ronde comme une pierre tendre. Dieu sait si j’arrive à faire un nu avec ce phénomène, mais jamais je n’ai vu un volume pareil à vingt ans. » Le peintre ne tardera pas à donner la réponse à sa question. […]
[…] En 1951 a lieu la rencontre avec René Char, et Staël réalise un certain nombre de dessins au stylo-feutre, ou au pinceau et à l’encre de Chine, telles ces Figures dans l’atelier, où, de la masse des traits au feutre verticaux et horizontaux, émergent, dans la réserve du papier, les contours de personnages, dans ce qui peut sembler un atelier. Puis des « Paysages » apparaîtront, comme en pointillé dans les dessins, et aussi dans les peintures, mais sans différences réelles avec les « Compositions » qui les précédaient. L’épisode connu du match nocturne France-Suède, auquel l’artiste assiste au Parc des Princes en 1952, donnera naissance à des variations nombreuses sur le thème des Footballeurs que nous rappelons ici avec deux études. Des bouteilles à la gouache suivront, des papiers collés aussi, avant la belle série de nus au stylo-feutre et à l’encre de Chine de 1953, dont nous avons rassemblé plusieurs exemples remarquables. Dans ces dessins, aux-quels répondent les études de nus peintes sur des petits châssis, Staël semble faire, sans modèle – ou sans partition –, des gammes, pour apprivoiser cette musique du nu, pour arriver à évoquer cette générosité proprement féminine, pour par-venir à « une fille qui déborde convenablement le dessin ». Car le trait de l’artiste limite le contour, autant qu’il libère la forme par ce dernier créée dans l’espace de la feuille ou de la toile. « Je crois à l’âme des contours […], si du moins je crois à l’âme quelque part, c’est dans les contours, pas les lignes non, c’est très différent. » Ainsi la figure est-elle ici, bien plus que dans la forme née de ses lignes, dans le rythme que scande son être où résonne le secret du réel. […]
[…] Jean-Marie Pontévia, commentant Jean-François Lyotard, écrit : « Il est vrai que “l’art veut la figure”, [que] “la beauté est figurale, non liée, rythmique”. Mais, à travers l’art, c’est l’élément même de la figure, le figural, qui est visé. Le figural “comme opacité, comme vérité, comme événement”. Comme opacité, c’est-à-dire comme un à-voir qui désarme tout discours – comme vérité, c’est-à-dire comme refus de l’alternative de la vérité et de l’illusion – comme événement, c’est-à-dire sens produit “dans l’espace vacant ouvert par le désir”. » Comment mieux décrire les grands nus peints de Staël, avec leur opacité des épaisseurs de couleurs superposées au couteau ou à la truelle, articulées souvent sur des transparences, et qui jamais ne veulent nous donner l’illusion d’être des corps de femme, alors même qu’ils sont nés dans l’espace vacant ouvert par le désir de l’une d’elles ? […]
Pratique
Staël, la figure à nu, 1951-1955
Musée Picasso d’Antibes
Château Grimaldi
06600 Antibes
T. +33 (0)4 92 90 54 26/20
17 mai – 7 septembre 2014
Commissaire de l’exposition : Jean-Louis Andral
Fermé le lundi / Closed on Mondays
16 septembre – 14 juin : 10.00 – 12.00 et / and 14.00 – 18.00
15 juin – 15 septembre : 10.00 – 18.00 Nocturnes en juillet et août, le mercredi et le vendredi jusqu’à 20 h.
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Musée Picasso d’Antibes
Château Grimaldi
06600 Antibes
T. +33 (0)4 92 90 54 26/20
17 mai – 7 septembre 2014
Commissaire de l’exposition : Jean-Louis Andral
Fermé le lundi / Closed on Mondays
16 septembre – 14 juin : 10.00 – 12.00 et / and 14.00 – 18.00
15 juin – 15 septembre : 10.00 – 18.00 Nocturnes en juillet et août, le mercredi et le vendredi jusqu’à 20 h.
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